Fusées

Deux hommes sont perdus dans le cosmos. Plus l’un est fort, plus l’autre est faible et sombre dans sa mélancolie. Comme deux pôles électriques, ils survivent dans d’étranges contrées lointaines, en apesanteur. La corporalité même des interprètes raconte leur impuissance ou leur rêve de puissance. Leur univers est entièrement bricolé, Jeanne Candel faisant confiance aux outils artisanaux et aux artifices traditionnels de la fiction théâtrale : ici ni haute technologie, ni écrans. Juste quelques accessoires détournés de leur fonction première comme témoin des déboires de ces idées folles d’envoyer des Terriens dans l’espace. Tout s’imagine avec trois bouts de scotch et un chant sacré, une trompette et une chaussette, pour former un poème concret et jubilatoire conjurant les ténèbres. Cette nouvelle création s’inspire de deux séquences sur des cosmonautes “abandonnés” dans la station MIR dans Le Goût du faux et autres chansons (2014). Fusées en est une sorte de spin-off, un récit de la conquête de l’espace où l’on mime même les problèmes de transmissions avec la Terre. On voit tout alors qu’il n’y a rien. L’art de la suggestion, apportant une dose d’humour décalé dans un théâtre des opérations, fait appel à l’imaginaire d’enfance qui sommeille en nous.

Après des études de Lettres modernes, Jeanne Candel entre au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique où elle travaille, entre autres, avec Andrzej Seweryn, Joël Jouanneau, Muriel Mayette et Arpàd Schilling. En 2009, elle crée la compagnie la vie brève, co-dirigée de 2013 à 2020 avec Samuel Achache, qui s’intéresse particulièrement au rapport entre la musique et le théâtre. Un “ensemble” où acteur·rices, musicien·nes, metteur·euses en scène, scénographes, costumier·ières, technicien·nes… se retrouvent régulièrement pour des périodes de recherche et de création. L’écriture collective est ce qui façonne leurs projets, les acteur·rices, musicien·nes et chanteur·euses sont placé·es au centre et considéré·s comme des créateur·rices. Cette écriture polyphonique décloisonne les fonctions et les techniques des personnes qui font les spectacles de la compagnie. Elle crée ainsi avec sa bande plusieurs spectacles mêlant musique et théâtre, dont notamment Le Crocodile tromepur / Didon et Enée, co-mis en scène avec Samuel Achache en 2013 et plus récemment BAÙBO – de l’art de n’être pas mort. Elle met également en scène pour l’opéra ; elle a repris ainsi en mai 204 sa mise en scène de Brùndibar de Hans Krása, qu’elle avait créé à l’Opéra de Lyon en 2016. Depuis juillet 2019, elle co-dirige avec Marion Bois et Élaine Méric le Théâtre de l’Aquarium, à Paris.

theatredelaquarium.net